LISELOTTE GRAF (Décédée en 2007)
Je m’appelle Liselotte Graf. J’habite en Thurgovie et vit avec une colocataire dans un appartement.
Le professeur Lutz a diagnostiqué mon autisme à 6 ans. A l’époque, on ne parlait pas encore du syndrome d’Asperger.
J’ai fait ma scolarité dans des foyers scolaires, d’abord à la Brüchshalde à Männedorf et ensuite à la Sonnhalde à Gempen. J’en garde divers souvenirs plutôt positifs:
J’allais volontiers à l’école mais je n’aimais pas qu’on me mette de côté de telle sorte que je saisisse pas tout de la vie normale. Tout ce qu’on pouvait apprendre m’intéressait: les animaux, l’anatomie, les sciences naturelles.
J’ai fait un pré-apprentissage de vendeuse et de couturière. Aujourd’hui, je travaille comme couturière en textile dans l’entreprise Brüggli qui produit entre autre des sacs de loisirs.
Longtemps, je ne me suis pas considérée comme handicapée. Dans la vie quotidienne, j’ai parfois des difficultés que je ne gère pas toujours: l’autisme ou le syndrome d’Asperger a des répercutions particulières sur le contact avec l’autre. Je ne le remarque pas tout de suite. C’est plus un sentiment que je subis: comme si quelque chose dans la relation ne « prenait » pas. Je peux offrir aux autres tout ce que je veux mais j’ai trop peu en retour. J’ai par exemple jamais d’invitations ni de ma famille, ni de l’extérieur. Si j’invite des gens, ils déclinent l’invitation. Tout cela est très frustrant pour moi et me rend très désagréable.
Je voulais fêter ma convalescence après une assez grande opération lors de la Saint Sylvestre et j’avais invité 15 personnes à un buffet froid fait maison. Malheureusement, tous ont décliné l’invitation. Une des raisons de cet échec est mon incapacité à nouer une amitié. Cette fête gâchée est une déception que je n’ai pas encore réussi à surmonter. J’y travaille avec la personne qui me suit.
Ce qui me gêne dans mon handicap, c’est que je me parle souvent et peste avec moi-même. Cela dérange mon entourage.
Mes occupations sont aujourd’hui la politique pour les handicapés, la formation continue sur la santé, la culture générale et les animaux.
Mes expériences personnelles m’ont poussé à m’engager politiquement en faveur des handicapés:
Il est choquant de voir les handicapés mis à l’écart. Beaucoup d’autistes doivent vivre dans des foyers. Même les bons lieux de vie ont leur désavantage. Ils excluent trop. On devrait se poser la question comment mieux intégrer des enfants handicapés dans la vie normale. Il est tout à fait clair qu’il faut se battre pour ça. Je vais manifester quand cela est nécessaire et voter dans ce sens là.
Le cancer est une autre partie de mon expérience de vie. Le diagnostic du syndrome d’ Asperger m’a moins travaillé que celui du cancer. Au début, j’avais terriblement peur de la mort. Je l’ai toutefois surmonté.
Je ne suis jamais sûre de ne plus avoir de tumeur mais je vis assez bien avec cela. Bien connaître la maladie aide à enlever les peurs. Le président suisse de la ligue contre le cancer m’a dit que plus le temps avançait moins on cherchait à tuer toutes les cellules atteintes mais davantage à contrôler l’augmentation de la tumeur.
Dans la relation idéale avec des autistes adultes, mon souhait serait:
1. Plus de tolérance envers des personnes dont le comportement est différent.
2. Placer les handicapés dans des petits groupes de vie communautaire/familles d’accueil avec l’appui de spécialistes.
3. Intégrer les handicapés où et quand cela est possible afin qu’ils puissent participer à la vie normale.
Il est important pour moi que les gens gardent un contact entre eux et ne se retirent pas dans leur coin. J’aime les fêtes, la musique (classique et pop) . Quand quelque chose se passe, je participer activement. Car la télévision, c’est pour le train-train quotidien.
(Trad. M.C. Schorpp-Müller)